Qu’est-ce que la neuroesthetique ?
Pourquoi est-ce que la photo d’une vague qui déroule sur fond de coucher de soleil suscite une appréciation esthétique différente d’un portrait noir et blanc ? La neuroesthétique est une science qui essaie de découvrir comment notre cerveau s’anime face à une image d’art, une photo de paysage, ou une mélodie, que l’on juge belle. Les recherches en neuroesthétique se font grâce à la neuro-imagerie qui permet d’observer le cerveau confronté à des situations ou des stimulus.
Définition de la neuroesthétique, au croisement de l’art et des sciences
Dérivée de deux mots grecs, « neurologie » et « esthétique », la neuroesthétique tente d’expliquer pourquoi il se fait qu’une personne puisse trouver une image d’art plus belle qu’une autre. En examinant l’imagerie cérébrale de personnes mises face à diverses créations visuelles, les scientifiques ont souhaité évaluer l’impact d’un exercice esthétique sur l’activité du cerveau. En théorie, étudier l'activité neuronale dans ce cadre permettrait d’identifier les piliers du jugement esthétique. En réalité, l’exercice n’est pas si simple qu’il y paraît !
Comment une belle image d’art peut-elle nous rendre heureux ?
Spoiler alert, la vérité est que la perception de la beauté ne peut être résumée à une activité neuronale. Le philosophe et psychologue allemand Gustav Theodor Fechner différencie deux types de réactions face à un stimulus : “directe” et “associative”. C’est-à-dire que l’on va, d’une part, avoir une réaction cérébrale face à l’objet de notre attention qui découle de l’environnement et du moment même de la rencontre avec le stimulus. D’autre part, notre perception sera déterminée par notre compréhension d’un objet, d’une mélodie ou de photos artistiques, qui vient de notre éducation, notre contexte culturel et nos expériences passées, entre autres.
Dans un autre registre, la chercheuse américaine Dahlia W. Zaidel, spécialiste de la psychologie de l’art, parle également d’un degré d’attraction sociale. Elle décrit ainsi la sensibilité esthétique comme un moteur de la survie de l’espèce humaine. Ainsi, le portrait noir et blanc d’une femme ou d’un homme qui nous paraît beau cacherait une perception de notre part d’un ou d’une potentiel partenaire sexuel. Les critères d’attractivité iraient alors bien au-delà d’une question de formes, de couleurs ou de la maîtrise de la technique employée dans la création d’une image d’art.
Dans un essai consacré au sujet, le chercheur Fernando Vidal raconte un sondage effectué par des artistes russes aux États-Unis en 1993. Vitaly Komar et Alexander Melamid ont demandé aux répondants ce que devrait comporter un tableau pour qu’ils le considèrent comme beau. “America’s Most Wanted” (le plus recherché d’Amérique), le fruit de leur enquête, est une image d’art constituée d’un paysage réaliste comportant les composants suivants : un ciel bleu, des nuages, des collines, des arbres, des personnages, un couple de cerfs, le président George Washington et un hippopotame. Dans le tableau inverse, “America’s Least Wanted” (le moins recherché d’Amérique), figurait une création abstraite, à grands renforts de géométrie, exécutée dans une texture grossière. La foule avait parlé et s’était accordée partout dans le monde, à quelques détails près. Si nous sommes presque tous influencés par les canons de beauté dictés par notre culture et notre environnement, il semblerait qu’un paysage pastoral fasse l’unanimité.
Quelle est l’utilité de la neuroesthétique ?
Face à une image d’art, nous faisons appel à nos capacités cognitives, qui nous aident à reconnaître la répétition d’un élément ou d’une couleur dans une photo de paysage, la texture fine d’une couche de peinture ou la symétrie du visage dans un portrait noir et blanc. La neuroesthétique tente de déterminer ce qui peut provoquer du plaisir, alléger l’anxiété ou encore permettre la mise en avant d’une idée ou d’un produit.
Certains neuroesthéticiens évoquent le système de récompense provoqué par la perception du beau. Les stimulus, comme une photo de plage à l’esthétique plaisante, activeraient les régions du cerveau liée au mécanisme de récompense ou à la sécrétion d’hormones suscitant du bien-être comme la dopamine, l’endorphine et la sérotonine.
Cependant, la neuroesthétique trouve son utilité dans des domaines plus spécifiques :
- L’évaluation des capacités esthétiques dans l’éducation,
- Le développement d'œuvres, de photos artistiques ou des produits dits « neuroesthétiques »,
- La conception d’objets et de lieux thérapeutiques pour aider les gens à se sentir plus en sécurité ou plus heureux,
- L’amélioration du contenu de thérapies diverses et variées,
- La construction et l’aménagement de lieux comme les hôpitaux ou les centres de soins psychologiques) pour apaiser le système cérébral et soulager les douleurs,
- L’art thérapie aide déjà à réduire l’anxiété et à soigner les traumatismes profonds en faisant appel aux arts visuels.
- Le développement d’actions de marketing et design plus marquants.
Quelles conclusions tirer de la neuroesthétique ?
Même si la neuroesthétique manque d'applications concrètes à l’heure actuelle, l’idée sous-jacente de déterminer que la perception du beau ou du laid dépend d’une question biologique et non-culturelle, est déjà intéressante en soi. Elle peut contribuer à éclaircir ce qui ne s'explique pas dans nos fonctionnements cognitifs. En revanche, certains espèrent en tirer un algorithme capable de générer automatiquement des photos artistiques considérées comme plus belles que d’autres. Ce qui présage un triste avenir pour tous les talents que nous exposons sur X-Plorar.
Malgré les progrès de la science, le jugement de l’esthétisme d’une image d’art ou d’une création reste partagé entre deux choses : l'œuvre et la réaction qu’elle provoque. En observant l’activité cérébrale de personnes dans un IRM, des scientifiques ont observé que les zones du cerveau qui s'activent lorsque leurs cobayes tombaient en admiration devant une œuvre, était la partie du cerveau liée au repos éveillé, elle-même connectée à la perception de soi. Ils en ont déduit que la beauté avait cette capacité à créer une harmonie entre le monde extérieur et notre représentation du monde intérieur, chose qu’un algorithme est encore loin de pouvoir reproduire.