Quand l’art mêle paysage et image avec la nature comme muse
Le land art repense le paysage à l’image d’une autre nature
Exploration culturelle, moment de réflexion, poésie visuelle et communicative, l’art s’invite dans les espaces naturels. Le land art s’implante souvent en pleine nature tout en la prenant à la fois comme sujet et toile de fond. En sortant du cadre de la galerie d’art classique, l’imaginaire des artistes du land art s’exprime face au paysage qui héberge leurs créations. Que ce soit par la photographie d’art, une installation paysagère ou des tableaux, les artistes qui suivent cette démarche invitent le public à découvrir la richesse de l’environnement.
Modifier le paysage, créer une image marquante en grandeur nature, ces artistes expriment leur créativité autrement. Patrick Doherty emploient des matières naturelles vouées à se décomposer peu à peu. Ses habitats grandeur nature à partir de grandes branches invitent petits et grands à interagir avec ces créations qui semblent pousser du sol.
Dans un autre registre, Rob Mulholland plante des miroirs au beau milieu de grands espaces et modifie un paysage où l’image de soi (le reflet) et la nature se côtoient. Ces jeux d’horizons et de perspectives interpellent les visiteurs sur l’impact de l’Homme sur la nature, et vice-versa.
L’art environnemental ou écologique
Ce courant prône un retour à la nature et sa préservation, bien souvent, il véhicule aussi une revendication politique et un art qui soutient la réhabilitation écologique des espaces et de tisser des liens entre l’Homme et la nature.
La reforestation comme réalisation artistique
Nul doute, la forêt représente une image de retour à la nature dans l’imaginaire collectif. Depuis les années 70 et 80, l’artiste Agnes Denes s’attaque à la reforestation en milieu urbain pour ramener de l’abondance et de la beauté dans des environnements devenus stériles. Aujourd’hui reconnue comme l’une des pionnières de l’art environnemental, son but est aussi d’inviter le grand public à venir se ressourcer dans ces lieux délaissés. En 1992, son projet en Finlande, Tree Mountain, A Living Time Capsule, une forêt reboisée avec 11 000 pins, montre qu’une œuvre d’art permanente peut servir des enjeux écologiques et esthétiques. Dans une logique similaire, l'artiste Joseph Beuys et ses 7 000 chênes en réaction au problème des pluies acides, plantés en 1982 à Kassel en Allemagne, montre que l’art peut avoir une utilité concrète et collective.L’inspiration anxiogène de la fonte des glaces
D’autres artistes s’appliquent à créer un paysage et une image qui reflètent la dégradation rapide de la nature. La fonte des glaces a fasciné plusieurs artistes. Le snow art de Simon Beck interpelle sur la durée limitée de toute expérience en nature et souligne sa fragilité. On peut aussi citer le très emblématique “Ice Watch” de l’artiste Olafur Eliasson constitué de 12 blocs de glace disposés en cadran en plein centre de Paris lors de la COP 21. Les installations d’Eliasson prennent à bras-le-corps le sujet du réchauffement climatique en l’installant dans un paysage connu du public sous forme d’image marquante de la nature en décomposition.S’implanter dans le paysage de manière artistique devient alors un moyen de faire réagir face à la dégradation environnementale. Dans cette logique, Antony Gormley crée des œuvres qui perdurent, mais seront impactées par l’évolution du paysage qui les entoure. Sa statue en métal “Exposure” montre un homme accroupi qui va s'enfoncer peu à peu dans l’eau avec la montée du niveau de la mer.

Modifier le paysage et l’image pour nous mettre face à la dégradation de la nature
De plus en plus, les artistes se saisissent des changements qui s’opèrent dans le paysage et la nature face aux agressions de l’Homme. Les sculptures aériennes de Tomás Saraceno baptisées de “Aerocene” flottent dans les airs affublés du slogan “Free the Air”. Elles se déplacent grâce à la chaleur du soleil et au rayonnement de la surface de la Terre, une création en commentaire au transport aérien et à l’utilisation des énergies fossiles.
Recréer un paysage favorable aux espèces en voie de disparition, c’est ce qu’a voulu faire l’artiste Jenny Kendler, une des figures emblématique de l’art écologique aux États-Unis. Kendler a conçu "Milkweed Dispersal Balloons pour stimuler le retour du papillon Monarque (Danaus plexippus) dans son environnement naturel. Elle a distribué des ballons argentés et biodégradables contenant des graines d'asclépiades et une plaquette informative pour sensibiliser les participants aux dangers des pesticides pour les papillons comme les monarques. Ils étaient ensuite encouragés à faire éclater les ballons dans leurs quartiers, libérant les graines qui se transformeront en plantes qui attireront les papillons.
Partout dans le monde, des artistes engagés interagissent avec leur paysage en créant une image grandeur nature de leur message. Ce parti pris est bien souvent éphémère et reflète aussi le côté imprévisible de la nature. La belle saison pose toutes les bonnes conditions pour partir à la rencontre de cette créativité en extérieur, s’inspirer et même s’engager à son tour. Bonne exploration !